ILE DE RE
WEEK END NATURALISTE de l’ASCENSION 5 -6-7-8 MAI 2016
Cette année, le début de mon récit va être indéniablement empreint de mes sentiments personnels et il y manquera les observations ornithologiques et botaniques du premier jour, jeudi de l’Ascension.
La préparation de ce W.E naturaliste, par Jérôme Demeule, est particulièrement bien annoncé. Présenté avec minutie, tout est clair, minuté et prévu…..sauf les aléas d’un trafic automobile extra rouge (voire noir).
JEUDI 5 MAI
Je me lève à 4H, pars à 5H (de l’Yonne). J’arrive à 12H15 au piquenique. Je conduis seule la modus sans GPS.
Les retrouvailles à la Pointe de St Clément près d’Esnandes (sur le continent) sont sympa. Les arrivées sont échelonnées jusqu’à 13H30, à cause des invraisemblables ‘’bouchons’’ sur l’autoroute (depuis Paris).
L’Hypolaïs polyglotte s’égosille sur un buisson du parking. Nous piqueniquons au soleil, au vent, sur le haut talus herbeux, couvert des Silènes maritima, des giroflées des dunes (Matthiola sinuata), qui domine la plage de sable. C’est marée basse (coefficient 100). A nos pieds, deux cabanes en bois de pêcheurs montées sur pilotis ont relevé leur immense nasse en filet. Les couleurs pastel du paysage sont douces : le sable semble rose, le ciel bleu délavé est légèrement grisé. Au loin, en mer, se profile Fort Boyard. Cette douceur ambiante nous change des embouteillages et des épisodes accordéons de l’autoroute et des départementales.
S’affairent sur le sable mouillé à nos pieds (on les voit sans jumelles): quantité de Bécasseaux variables (en tenue nuptiale), des Tournepierres à collier, des Pluviers dorés et argentés, des Barges rousse, des Chevaliers gambettes…
Jusqu’à 14H, la mer remonte rapidement, baignant les pieds des cabanes. Il est temps de songer à passer le pont menant à l’Ile de Ré. Il est prévu que je laisse ma voiture au parking de la Pallisse (à l’entrée du pont). Pour ne pas retarder le groupe, je permute toutes mes affaires, dans la voiture de Robert ; Je vide consciencieusement tout ce qui peut être volé dans une voiture qui va rester 4 jours sur un parking.
Jérôme, grâce à son GPS, a une astuce pour regagner le pont sans trop d’embouteillages. Mais nous sommes 8 voitures à le suivre !!Etant la dernière du convoi, au dernier rond point je dois laisser la priorité et je ne vois plus mes compatriotes. Nullement perdue, je prends immédiatement la direction ‘’pont de l’ile de Ré’’, sorte de rocade à 4 voies, et me retrouve hyper coincée dans le traquenard d’un embouteillage monstrueux. Je vais mettre 1H45 pour parcourir quelques kilomètres.
Je prends alors conscience que je ne serai pas à l’heure au RV du parking, que je suis sans papiers, sans téléphone, sans références aux copains, sans adresse du gite, sans même savoir le numéro de téléphone d’Henry !!
Grande panique à bord ! Mais en 1H45, j’ai le temps de me calmer, d’échafauder mille scénarios. Ce qui m’ennuie le plus, c’est de perturber le groupe, de retarder, d’inquiéter Jérôme. Je ne suis pas perdue, je suis simplement victime des embouteillages.
Aucune gent ailée autour de moi, mais beaucoup de carrosseries automobiles, de visages fatigués des conducteurs résignés, de scènes cocasses : pipis des enfants sur les talus, bouquets de fleurs cueillis tranquillement par les passagers, erreurs d’engagement dans les files du péage….
Pendant un long moment, coincée dans ma modus, sur la rocade je vois en contre bas, le parking de la Pallice et le Belvédère où je suis sensée garer ma voiture. Avec mes jumelles je scrute si j’y vois une silhouette familière.
A 16H45 je me gare enfin. Personne de Bonnelles ne m’attend plus. Ma première réaction est de rentrer à Meudon, mais je n’ai plus les clefs de l’appart. Je voudrai téléphoner à Henry pour qu’il prévienne Jérôme de ma situation, mais je ne connais pas le numéro. Et puis c’est bête d’être si proche de l’Ile de Ré et de na pas tenter le passage (Je peux le faire car j’ai le Pass ‘’t’’ collé au parebrise) Je me souviens que nous logeons en VVF. Un gentil monsieur doit voir que je suis très contrariée et me propose de chercher sur son portable le nombre de VVF sur l’Ile. Il y en a 2.
A 17H45 j’atteins (après encore une queue interminable jusqu’au Nord de l’Ile) le VVF ‘’Salicornes’’ et c’est le bon ! OUF !
Ce qui est amusant et rassurant pour moi (et pour lui), c’est que Jérôme téléphone à l’accueil au moment où je questionne la dame de la réception.
J’ai donc eu très peur, ai pourri involontairement l’après midi de Jérôme, ai manqué la découverte du site de la Flotte et ce que j’exècre le plus : perturbé le groupe et retardé l’emploi du temps.
Surtout ne venez pas me dire que je me suis perdue ! L’erreur est qu’il ne faut pas laisser une personne seule dans sa voiture sans s’assurer qu’elle ait un téléphone. Ne pas oublier non plus que : se suivre à 8 voitures dans des ronds points un jour de grand trafic relève de l’exploit.
Mais commençons le récit sérieux de ce W.E. en Ile de Ré
Le pont inauguré en 1988, long de 3 Km est en forme de cloche dans sa partie centrale,
soit 30m au dessus de la mer, afin de permettre le passage des bateaux de guerre.
L’Ile de Ré est longue de 26 km, large de 70m à 5 km, possède un isthme. Sa longueur
de côtes est de 100 km, sa superficie de 85 Km2
Quelque soit la saison, les oiseaux sont omniprésents à l’Ile de Ré, plus particulièrement
au ‘’Fiers d’Ars’’. Plus de 330 espèces y sont observées. Les espèces nicheuses les plus
remarquables sont les Tadornes de Belon, le Busard des roseaux, l’Echasse blanche,
l’Avocette élégante, la Sterne pierregarin, le Gorge bleu à miroir. En 2003 la baie et les
marais du Fier d’Ars ainsi que la Fosse de Loix (45 000 ha au total) ont été admis sur la
liste mondiale RAMSAR. Cette convention est placée sous l’égide de l’UNESCO.
Ce choix nécessite obligatoirement la présence d’espèces animales et végétales rares.
Pour les oiseaux, les lieux doivent abriter au moins 20 000 oiseaux d’eau ou accueillir 1%
des effectifs mondiaux d’une espèce.
Nous sommes basés à Ars en Ré, dans le joli VVF ‘’Salicornes’’, agréable, mitoyen au port
de plaisance. Nous sommes à proximité immédiate du village et de la baie marine influencée par les marées. Un sentier de découverte part du gite.
Fin d’après midi : observations à La Flotte
Vers 20H, Nous sommes 25 participants de Bonnelles Nature. Anita et Christian dorment dans leur camping car.
Vers 20H30, Excellent diner au restaurant l’Emeraude, à 8 Km aux Portes en Ré (cassolette de fruits de mer, moules frites, fromage, crème brulée)
VENDREDI 6 MAI
7H30 Jérôme nous apporte, de la boulangerie, le pain frais des petits déjeuners. Le temps est clair mais le vent frisquet.
9H Maison du fier (ancien hangar à sel) aux Portes en Ré dans la Réserve Naturelle de Lilleau des Niges
Sur le parking nous observons les Tourterelles des bois, les Linottes, un Pipit, entendons le Rossignol.Hervé Roques, notre guide LPO, accompagné de Rémi, stagiaire, nous rejoignent.
Nous sommes sur l’îlot des Niges, domaine privé terrestre. Les propriétaires ont droit de pêche, de chasse (uniquement la chasse de plaine) Le conservatoire a acheté 500 ha.
Un Milan noir nous survole.
Nous sommes sur le Fiers d’Ars, baie marine. 2 fois par jour, il se remplit d’une eau nourricière qui alimente 1 500ha de marais adjacents (dont environ 500ha de marais salants en activité). A marée descendante l’eau se retire et découvre de vastes vasières. Des mollusques, crustacés, vers, algues et multitudes d’organismes s’y développent.
Plus de 330 espèces peuvent y être observées en hiver. 40 000oiseaux peuvent être présents parmi lesquels les Bernaches cravants, les Spatules blanches, les Bécasseaux variables, les Barges à queue noire, les Tournepierres à collier.
Au moment des migrations, des milliers d’oiseaux venant de l’Arctique ou d’Afrique y transitent.
Nous passons le ‘’vieux port’’, important autrefois. C’était un point névralgique pour échanger les céréales et le bois venus d’Europe, le sel et le vin récoltés sur l’île. Le premier grenier à sel date de 1914. Les navires arrivaient lestés de pierres et de sable, afin d’abaisser leur centre de gravité et de les stabiliser. Ces pierres laissées sur place, ont servi à édifier les digues et à paver les rues.
Evocation des anguilles : En mer des Sargasses (aux Antilles) les anguilles rétaises se reproduisent. Les larves dérivent dans l’atlantique et devenues civelles reviennent dans les marais de l’ile de Ré. Après 10 ou 15 ans, elles retournent aux Antilles, pondent et meurent.
Les Limicoles sont nombreux à fréquenter le Fiers d’Ars. La Réserve Naturelle de Lilleau des Niges est l’une des plus importantes de France pour l’accueil des oiseaux d’eau. Gagnés sur la mer au XVIème siècle, sous le nom de l’îlot des Niges, ces marais ont longtemps été exploités pour le sel, puis progressivement abandonnés. En 1990, une Réserve Naturelle de 227 ha est crée englobant des marais salants, des vasières, des prés salés. La gestion des niveaux d’eau est en accord avec les pâturages occupés par les moutons écossais.
Evocation de la faune : Le Renard, prédateur, vient d’être introduit.
On trouve essentiellement des lièvres, des rats. Avant le pont il n’y avait aucun campagnol. Autrefois l’île était boisée, on y trouvait des cerfs et des blaireaux. Elle a été défrichée pour la culture de la vigne. Les forêts domaniales (Lisay, Combe à l’eau, Trousse chemise, bois Henri IV) sont artificielles. Les Pins et Cyprès de Lambert empêchent l’avancée du sable et fixent les dunes.
Les reptiles sont très rares : quelques couleuvres.
Les Tadornes de belon cohabitent fréquemment avec les lapins. La cane tadorne doit se cacher dans l’obscurité des terriers pour pondre à l’abri des prédateurs.
Evocation des invasives : De nombreux végétaux et animaux ont été introduits volontairement ou involontairement sur l’île.
L’Ailante, le Baccharis, la Sargasse et d’autre part le Ragondin, la Crépidule
Nous observons le très beau vol plané d’un Busard des Roseaux (ailes en V) au dessus des marais, les Tadornes ((le mâle a une grosse bosse rouge sur le bec appelée tubercule)
Hervé nous fait déguster à la fois les fleurs de moutarde noire(Brassera nigra) et les graines du Maceron cultivé (Smyrnium olusatrum) au gout poivré. Nous continuons peu après par le fenouil, la beta maritima, l’obione et la salicorne, la criste marine (Crithmum maritimum).
Evocation des marais salants et de leur fonctionnement : Ce ne sont pas les mêmes termes en Bretagne.
Sur un buisson, une Fauvette grisette et sur un pieu, presque côte à côte une Bergeronnette printanière, se laissent complaisamment observer à la longue vue. Avec le jaune omniprésent des fleurs de moutarde et le mauve des fleurs de chardons le spectacle est charmant. Quelques Tamaris rabougris ponctuent le paysage. Ces arbustes résistent au sel, au vent, au soleil, à la sécheresse. Ils servent de perchoir notamment aux Gorges bleues. Dans l’enchevêtrement des racines de l’arbuste, le gorgebleue construit son nid et élève ses oisillons.
Arrêt devant les ilots (artificiels) où nichent des colonies de Sternes pierregarin
Botanique encore : avec l’Arroche marine (Atriplex), la Soude maritime (Suaeda maritima), la Spartine (Spartina maritima), l’Aster (Aster tripolium), les Euphorbes….
L’île de Ré abrite environ 800 variétés de plantes sauvages, notamment la Cynoglosse des dunes et l’œillet de France.
La végétation, peu diversifiée, est essentiellement halophile.
Etude des différents Goélands (marins, bruns, leucophés, argentés), des Tournepierres (qui viennent du Canada)
Nous sommes au niveau du muret qui surplombe l’entrée du chenal du vieux port. Le vent est glacial, certaines d’entre nous s’y abritent en s’asseyant à terre. Sur le talus herbeux du petit pont, s’épanouissent d’énormes fleurs bleues de Pervenches, de puissantes solanacées (Morelle ?) en fleurs, de surprenants iris grenat En dessous, dans un bassin, deux splendides Cygnes blancs tuberculés avec leurs 9 petits farfouillent le long de la berge. Le tableau est ravissant. Mais l’observation d’une Fauvette grisette, à la gorge bien blanche, nous attentionne tout autant. Peu après, les différents Goélands, sur leurs nids, captivent encore notre attention. Il est vrai qu’aux longues vues, les observations sont parfaites. Merci à ceux et celles qui se coltinent leur portage en plus de leurs jumelles et appareils photo.
Hervé nous indique, à vue, les différents clochers de l’île de Ré. Ce sont des points remarquables, nommés Amers, par les navigateurs qui s’y référent pour s’orienter. Celui d’Ars –en-Ré est le plus caractéristique.
Evocation des différents îlots, et de leurs rattachements : îlot d’Ars, îlot de Ré, îlot des Portes,…..l’îlot de Loix étant le dernier rattaché.
A basse marée le Fier d’Ars devient une vasière de 800 ha. Milieu d’une très grande richesse par la diversité et la densité des mollusques, vers et crustacés. Parmi les fouisseurs, citons la coque, la palourde, le ver arénicole. Les oiseaux en raffolent. Mais pas que les limicoles…….. C’est assez amusant de photographier des ramasseurs de coquillages, courbés sur la vasière, les bottes enlisées, derrière la grande pancarte interdisant tout ramassage de coquillages et crustacés, sous peine de poursuites !!
Autrefois les seiches étaient très communes au moment de la reproduction au printemps, dans les herbiers du Fier d’Ars. Les petites seiches, appelées casserons, ont donné leur nom aux habitants d’Ars : les casserons ou les arsais.
Retour à la maison du Fier vers midi. Quelques achats.
12H45 Piquenique au bord de la plage en lisière du bois de Lisay. Une petite pluie nous fait nous abriter sous les Pins, mais n’empêche pas la distribution de savoureux cakes faits maison. Nous revenons aux voitures, par la plage de sable fin.
14H Retour au gîte du VVF ; Pinsons, Linottes mélodieuses, Serins cini s’égosillent dans le jardin, accompagnés des Rougequeues
14H30 RV avec le guide Hervé et son stagiaire Alexis, au port de plaisance. Nous prendrons l’itinéraire ‘’sentier de la mer du Fier’’. Il est balisé de bornes donnant des informations relatives à la faune, à la flore, aux activités humaines traditionnelles, à des éléments remarquables du paysage.
Au départ, sous l’angle d’un hangar en bois, nous étudions le nid d’un couple de Faucons crécerelle. Un des adultes redescend sur un talus proche pour s’épouiller au soleil. C’est exquis de voir ce petit oiseau, au sol, sur pattes, faire sa toilette méticuleusement, en toute confiance. Le vent rebrousse ses plumes. Nous ne sommes pas habitués à le voir, à terre, dans une telle posture.
Nous remontons à pieds le chenal du port de plaisance et entrons dans les marais salants. Ils se composent schématiquement de 3 unités hydrauliques ( vasais, métière, champ de marais) dans lesquelles l’eau de mer circule par gravitation à partir d’un chenal. Hervé nous fait la démonstration en soulevant des buses. Les sauniers y trouvent leur intérêt et la circulation de l’eau maintient la biodiversité des espèces végétales et animales dans ces bassins.
Ce sont donc des terres gagnées sur la mer, par endiguements successifs, où travaillent des sauniers. En 1850 ils étaient 1000 ; en 1950 : 50 ; aujourd’hui : 100 exploitants se partagent 500 ha de marais salants autour du Fier d’Ars et de la Fosse de Loix.
Nous voyons des Echasses blanches qui nichent, différencions bien le mâle (dos noir) de la femelle (dos brun), des Tourne pierre, des Bécasseaux variables. Les Cysticoles des joncs s’égosillent en saccades. L’Accenteur mouchet chantonne. Des Cygnes noirs se reposent, la tête sous l’aile. Des Fauvettes grisette se dandinent en haut des fleurs de moutarde ployant sous le vent. Trop brièvement nous apercevons l’envol d’un Gorgebleue près d’un buisson. Une Bergeronnette grise furète.
Près du sentier, dans un bosquet de résineux, nous restons longtemps à observer aux longues vues, une famille de Hiboux Moyen Duc :3 petits dressés, à moitié endormis, sur le nid et 1 des parents posé non loin sur une branche, Il somnole, ouvre un œil orangé, surveille sa progéniture. Le spectacle nous scotche littéralement. Les petits sont des houppettes de duvet gris, le parent aux longues oreilles est magistralement beau. Les photographes se régalent.
Un peu après, un Cygne noir rassemble ses 3 petits et les emmène à la nage sur l’eau mordorée d’un chenal. Les couleurs de la nature sont extraordinaires en cette fin d’après midi.
Nous regagnons le sentier de l’entrée du chenal, borné de chaque coté par de véritables hautes haies de moutardes en fleurs. Un dragueur, nommé Fort Boyard enlève la vase de fond du canal. Un voilier, genre jonque, aux voiles couleur brique regagne le port.
18H Retour au gîte
18H30 Apéro sangria-maison offert par Eliane et Jean, assis dans l’atrium du jardin du VVF
19H30 Restaurant l’Emeraude : œufs mimosa au thon, mijoté de dinde aux champignons et tagliatelles, fromage, île flottante
22H Balade nocturne au son des chants des Courtilières. Nous approchons des Hiboux Moyen Duc pour entendre les petits cris des bébés et la réponse grave du parent, toujours en faction.Par ailleurs le concert des limicoles est omni présent. Pas d’étoiles, pas de lune, le ciel est très couvert, voire pluvieux. La lumière du phare de l’entrée du chenal balaie l’étendue plate.
SAMEDI 7 MAI
7H Le port de plaisance est hyper calme. Le voilier a rangé soigneusement sa grande voilure ambre. La boulangerie est très active, arborant une quantité de gâteaux et petites viennoiseries alléchantes. Les venelles désertes sont tranquilles, squattées par les chats locaux. Ars en Ré est délicieux en cette heure matinale. Sous un beau soleil, je photographie l’église, son drôle de clocher, son esplanade déserte.
9H15 RV avec Hervé et Rémi au Phare des Baleines. Afin de découvrir la vie secrète de l’estran, nous devons être bottés ( n’est ce pas Denise !). Peu de monde à cette heure. Un Faucon crécerelle fait son vol stationnaire pratiquement au dessus de nous. Nous lisons les pancartes avant de descendre sur la plage. Le coefficient de marée est 112
Le phare des Baleines (1854) culmine à 57m, non loin de la Tour des Baleines (1682) haute de 27m. Elle est aujourd’hui un musée dédié à l’histoire de la création des phares. Tous deux servent d’amers. L’Hypolaïs polyglotte s’égosille.
La vue sur les rochers, sur l’écluse à poissons, à marée basse est splendide. Il fait beau, les couleurs sont vives. Les flaques sont vert émeraude, les rochers bruns violets, la mer est bleu gris. Le ciel se festonne de petits nuages blancs floconneux. Aucune présence humaine sur cette étendue extra plate. Les photographes sont ravis.
L’estran, qu’il soit vaseux, sableux ou rocheux reste la partie du littoral découverte par la mer 2 fois par jour. Ces endroits abritent quantité de coquillages, crustacés, poissons, algues, plantes marines…. C’est un milieu fragile d’où la nécessité de grands panneaux explicatifs demandant expressément à veiller au respect de l’équilibre biologique des espèces animales et végétales qui le composent.
L’estran a trois étages :
-infralittoral : l’eau ne se retire que peu de temps (à marées de vive eau) ou jamais. C’est le domaine des algues Laminaires, des crustacés et des poissons. On y rencontre des plantes et animaux sédentaires dans des ceintures bien limitées. La zonation est bien définie malgré l’amplitude des marées
-médio littoral (celui qui nous intéresse aujourd’hui) constitue la majeure partie de la zone de balancement des marées. Mais les flaques retenues à marée basse ont leur température d’eau, leur teneur en gaz dissous, très fluctuantes. Maintes espèces se réfugient sous des pierres pour retrouver l’obscurité, l’humidité, la quiétude…
-supra littoral : les organismes ne sont immergés que pendant de courtes périodes, ils reçoivent les embruns. C’est une étroite bande de transition entre le milieu terrestre et le milieu marin. Cet étage ne peut être peuplé que d’espèces résistant à la dessiccation, à la lumière crue, aux températures variables
Donc, nous descendons vers l’écluse Mouffette à poissons, à découverte. Cette première écluse à poissons réthaise remonte à un millénaire. Elle se compose d’une ceinture de pierres inondées à marée haute, piégeant les poissons lorsque la mer se retire Nous avons la chance d’y croiser monsieur Marc Raynaud, dernier gardien de phare (2001). Il explique la différence des tâches selon les phares de terre ( cool) ou de mer (difficiles). Il a officié également au phare de Cordouan (arrêté en 2004). Il fallait se les monter les 60 litres de pétrole par nuit. Cela empestait. Il est venu ce matin, avec des bénévoles, consolider les murets de pierre de l’écluse, très abimés après les tempêtes de 1999 et de Cynthia.
Evocation des 3 familles d’algues. 200 espèces sur l’île de Ré
- Les Algues vertes. Les Ulves (Laitues de mer), très communes. Arrachées des rochers, elles s’accumulent sur le haut des plages. Mélangées à d’autres algues et divers restes de végétaux et d’animaux, elles forment la Laisse de mer. Ces amas jouent un rôle majeur pour la fixation des dunes en stabilisant le sable. Elles ne sont pas toxiques.
-Les Fucus, algues brunes communes sur les rochers. Ramassées autrefois par les agriculteurs, elles servaient d’engrais dans les champs et les vignes. Tout ce qui s’échouait était appelé Varech, Goémon. Les plus connues sont les Ficus vésiculeux.
-Les Algues rouges, sont toujours au large
Il faut toujours un support pour que l’algue se fixe par un crampon. La classification des algues est essentiellement fondée sur les pigments qu’elles contiennent (vertes, brunes, rouges)
Elles sont consommées par l’homme (et les moutons et bœufs), fraiches, crues, bouillies, sèches ou en concentré liquide. Elles sont riches en vitamines B et C et contiennent beaucoup d’oligo-éléments
Evocation des marées. Laurent répond brillamment aux questions !
Le phénomène des marées est dû principalement à l’attraction de la lune, plus ou moins renforcée par celle du soleil. Toutes les 6 heures avec un léger décalage. Il y a 24H50mn entre deux marées. L’annuaire des marées donne le coefficient : entre 20 et 120
Evocation des difficultés d’adaptation pour les animaux ou végétaux : le poisson habitué à 18°dans la mer qui se retrouve dans une flaque à 30°, les prédateurs (oiseaux, humains) qui officient à vue à marée basse, la luminosité trop vive….
Nombreuses découvertes-études
- Les Balanes, sont les plus communes. Ces animaux coniques fixés ont une plaque calcaire (opercule) qui se ferme à marée basse. Leur coquille présente 4 ou 6 plaques Ils se nourrissent de plancton en sortant leurs ’’antennes plumeuses’’. Ce sont des crustacés.
- Les Anémones sont solitaires, fixées par un disque pédieux ou calées dans un substrat meuble. Elles peuvent se déplacer. L’Actinie rouge nous expose son anneau de tentacules vivement colorées et engloutit rapidement la proie qu’Hervé lui offre
- Les Patelles ont des coquilles coniques. Le bord du manteau a des cannelures qui érodent une dépression ovale. Chaque individu revient sur sa base après ses excursions alimentaires (en suivant la trainée de mucus)
- Les Troques ont des coquilles pyramidales, à l’ouverture ample, avec un revêtement intérieur nacré. Sur le bord de la coquille, une petite excroissance le classe en Troque monodente.
-Les Nasses ont des coquilles courtes, coniques, épaisses avec une ouverture denticulée et un canal siphonal largement ouvert.
-Les Crevettes ont un rostre denté
-Les Crabes verts enragés.10 pattes. Ils peuvent s’automutiler (par contractions musculaires), le membre repoussera. Ils muent plusieurs fois par an lorsqu’ils sont jeunes, une fois par an, adultes. Ils vivent 5 à 7 ans. Pour s’extirper de leurs carapaces, ils boivent beaucoup, gonflent et éclatent littéralement. Tout se régénère, même les organes. Les femelles muent avant les mâles. On différencie le mâle de la femelle en regardant le ventre, le mâle ayant un dessin en V, la femelle un dessin arrondi.
-Les Bernard-l’Ermite ont un corps mou et doivent coloniser rapidement une coquille dont la forme corresponde à leurs abdomens. Ils aiment squatter les Cormaillots.
-Les Crabes marbrés aux carapaces carrées, ont du poil aux pattes, se déplacent très rapidement, respirent hors de l’eau, peuvent rester des semaines enfouis dans le sable sec, aiment les eaux saumâtres.
Nous atteignons une petite barrière de récifs où des huitres pullulent. Robert et Laurent se délectent à gogo, sur place, totalement inattentifs aux explications du guide Hervé.
Nous poursuivons nos découvertes-études
-Les Sargasses aux stipes irréguliers ramifies, aux flotteurs contenant du gaz. C’est une algue commercialisée appelée ‘’le caviar de la mer’’
-Les Huitres. Différentes sortes. Autrefois c’était uniquement les huitres plates. Une maladie ravageuse a fait passer aux huitres creuses portugaises jusqu’en 1960. Une nouvelle maladie a fait passer aux huitres creuses japonaises, espèces invasives qui ont un virus qui a infesté les parcs français. Elles ont d’ailleurs introduit une algue nouvelle japonaise.
L’huitre plate est en train de revenir, notamment en Bretagne.
Le naissain est le nom donné aux petites huitres après que les larves en suspension dans l’eau se soient fixées sur un support fixe. Le naissain est désormais produit en écloserie. L’huitre est fixée à vie sur son support dur.
Une nouvelle sorte d’huitre stérile, triploïdes, dite ‘’des 4 saisons’’, se mange toute l’année
-Les Gammares, crustacés, ont des têtes anguleuses, aux yeux réniformes, aux longues antennes
-Les Crabes porcellanes, minuscules, ont une carapace presque ronde, leurs antennes sont très longues et grêles.
-Les Pétricoles aux coquilles ovales, forent des trous par abrasion mécanique, dans la vase compacte, l’argile, les schistes.
- Les Xanthos, crabes au corps lourd. La région frontale ente les deux yeux est rectiligne. les Crabes de fer sont des crabes morts.
-les Ophiures, échinodermes, ont 5 longs bras fins, articulés et flexibles
-Les Astéries bossues, petites étoiles de mer qui vivent 7 ans. Si on leur coupe un bras, non seulement il repousse, mais le membre sectionné reproduit une étoile dans son entier. Toutes mâles jusqu’à 4 ans, elles deviennent femelles ensuite. Elles s’accrochent parfaitement grâce à leurs tubes ambulacraires garnis de ventouses placés sous leurs faces ventrales.
- Les Oursins (verts et violets), échinodermes aux formes sphériques ont des tubes ambulacraires entre les épines
-Les coquilles St Jacques sortent leurs estomacs de leur coquille pour se rassasier, l’organe reprenant sa place lorsqu’il est repu.
-Les Aplysies, grandes limaces marines renflées postérieurement, possèdent une petite coquille interne. Elles éjectent un jus pourpre pour éloigner les prédateurs. Elles nagent par ondulations, se reproduisent en groupe. Nous voyons leurs grappes d’œufs en forme de spaghettis brunâtres collés sous un rocher. A proximité sont collés un amas d’œufs jaunes de Cormaillot percum
-Les Eponges sont du règne animal des crustacés. Leur squelette est à base de fibres de spongine. Nous en voyons une, minuscule.
Dégustation de Patelles
Vers 12H15 nous prenons congé d’Hervé, excellent guide naturaliste.
Vers12H30 Piquenique au soleil au bord de la plage près de la forêt domaniale de la Combe de l’eau. Nous sommes bien calés dans les éboulis, à l’abri du vent. Les chardonnerets et les Linottes sont nombreux sur les buissons derrière nous. La mer est très retirée (coefficient 112), cette immense plage est déserte.
Recherches des nombreux fossiles sur les blocs de pierre et regards sur les pierres percées par les pholades.
Le sol calcaire de l’ile de Ré s’est formé au Jurassique. L’ile était bordée de récifs coralliens peuplés d’oursins, d’ammonites et de coquillages variés.
14H30 retour au gîte
15H RV devant le loueur de cycles à Ars.
Nous voilà partis 3H30 pour une belle balade à vélo, sur des pistes cyclables protégées. Le vent ne gêne pas.
Nous passons l’isthme de Martray et gagnons Loix, joli petit village à l’authenticité moins surfaite qu’à Ars.
Nous longeons le moulin à marée (XVIIème siècle), au bout du minuscule port. Sa vocation était de moudre du blé, puis il fut converti en station de nettoyage du sel au XIXème siècle.
Nous atteignons la Pointe du Grouin , voyons la tour des Ilates et hésitons à faire la photo de groupe.
Nous longeons les marais, la plage et voyons pléiade d’oiseaux.
En botanique, les muscaris à toupets (muscaris comosum) abondent
Nous voyons des Avocettes, une Bernache , des Tadornes, des Hirondelles, des Hérons cendrés, des Gravelots, des Chevaliers, des Courlis, des Bécasseaux, des Aigrettes garzettes, Cormorans
19H A pied, visite guidée des venelles d’Ars en Ré. Elles recèlent de ravissants petits jardins insoupçonnables. Les acanthes et roses trémières ponctuent les ruelles aux nombreux puits. Des girouettes rigolotes sont hissées au dessus des maisons basses. Les Orpins, les Sédums, les Cymbalarias muralis colonisent tous les intercistes.
21H Diner très bruyant au restaurant Emeraude : Rillettes de sardines, Seiche à la rétaise avec riz, fromage, Fondant au chocolat
DIMANCHE 8 MAI
7H En allant chercher le pain avec Jérôme, Robert montre la borne NGF de relevée, scellée sur la façade de la mairie. Ce réseau a été instauré en France en 1969, par l’IGN. L’altitude d’Ars est de 4m50.
8H Grand déménagement, nous devons rendre les chambres des 3 appartements, à 9H
8H30 Photo de groupe dans l’atrium du jardin du VVF
La troupe se divise. Certains remontent directement en région parisienne, d’autres passent la journée à la Rochelle, le reste continue d’observer les oiseaux sur l’ile. Le vent souffle fort.
10H Arrêt près du Relais thalasso. Près de St Marie de Ré, anse Notre Dame. Nous restons sur le sentier intérieur ‘’des 5 paysages’’, en délaissant le coté plage, trop venté.
Sur les ronciers, ou les vignes, Les Tariers pâtre, les Linottes mélodieuses, les Fauvettes grisette, les Accenteurs mouchet se laissent étudier aux longues vues. Au dessus les Faucons crécerelle en vol se tiennent en équilibre malgré le vent. Les Cysticoles strient de leurs chants saccadés.
11H30 Nous terminons par la plage. Devant nous au loin : Fort Boyard, l’île d’Oléron, l’île d’Aix. A nos pieds : découvertes, deux magnifiques écluses à poissons. Le coefficient de marée est de112.
Toutes ces écluses ont des noms : La belle Pointe, la Reculée, la Jalousie……..
Nous voyons poussés par le vent, rouler sur le sable : les œufs de Roussettes et les œufs de Seiches. Une anguille morte s’est échouée.
12H Nous repassons le pont, sans trop attendre. Je revois ‘’mon’’ parking calamiteux du Belvédère. Nous parcourons en un instant ‘’mes’’ Km maudits de la rocade,
12H30 Nous stationnons pour le dernier piquenique à la Pointe de St Clément près d’Esnandes.
Il y a beaucoup moins d’oiseaux marins que le jeudi. Mais à nos pieds un Courlis corlieu fait le spectacle, à lui tout seul. Entre les pilotis de la cabane en bois, il examine méticuleusement tout ce qu’il est susceptible d’avaler. Son œil est perçant, son immense long bec courbé s’enfonce parfois jusqu’aux yeux pour tirer un vers. Il court alors vite le tremper dans l’eau, sans doute pour le débarrasser de la vase. Il cherche à débusquer toutes sortes de petites proies : talytres, mouches, animalcules diverses
13H30 FIN
L’observation des oiseaux se fait dans d’excellentes conditions à partir des pistes cyclables, sur les chemins longeant la réserve naturelle, sur les plages, sur les digues, sur les marais salants,….Parfois le vent est gênant.
Véritable carrefour de migration, l’île de Ré permet l’observation de plus de 300 espèces d’oiseaux. Ce printemps, nous, de Bonnelles Nature, en observons un grand nombre (le Gorgebleue s’étant fait très discret !).
Jadis l’île de Ré était formée de 4 îles distinctes qui se soudèrent entre le XIème et XIXème siècle.
Les Pertuis sont des bras de mer situés entre les îles charentaises et le continent. On distingue le Pertuis d’Antioche (entre Ré et Oléron) et le Pertuis breton (entre Ré et la Vendée). Les eaux de ces Pertuis sont enrichies par les alluvions des 4 estuaires (Charente, Seudre, Lay, Sèvre niortaise). Ce sont des zones privilégiées pour les mollusques (moules, coquilles St Jacques, pétoncles, seiches….) et les poissons.
Nous restons essentiellement au Nord de l’ile caractérisé par le maillage de marais salants (quelques uns à nouveau exploités).
Pour notre grand plaisir, les bosses herbeuses foisonnent de moutardes noires en fleurs et la restauration des îlots favorise la nidification d’espèces vulnérables que nous observons facilement (Avocettes, Echasses, Sternes pierregarin).
Certaines scènes de vie resteront gravées dans nos mémoires : Les Hiboux Moyen Duc dans leur nid, les Cygnes blancs avec leurs 9 petits, ou le Cygne noir avec ses 2 petits, le Faucon crécerelle, à terre, qui s’épouille, la fauvette grisette avec sa gorge blanche qui s’égosille, les couleurs de l’estran le dimanche matin. Les photographes se régalent. Peut être les artistes peintres ou dessinateurs seront ils inspirés (pour exposer à l’A.G, par exemple)
Les couleurs changeantes du décor naturel, les reflets mordorés sur l’eau des marais, les écluses à poissons si caractéristiques, la virée à vélo, la bonne ambiance entre les participants, l’emploi du temps et le programme bien concoctés, la beauté de cette île (si on occulte les touristes) ont fait la réussite de ce long WE férié de quatre jours
La réserve naturelle reste là pour gérer : la conservation des habitats et des espèces, la flore, les poissons, les invertébrés des vasières, le dérangement des oiseaux nicheurs, la chasse et la pêche……
Les suivis scientifiques sont menés sur la réserve et sur l’ensemble de l’île
ODILE V. MAI 2016
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